"Le tango : une pensée triste qui se danse". Sabato
Il est impensable de résumer le tango en quelques lignes tant ses origines sont complexes . Cette danse au caractère si fort mérite toute l’attention nécessaire pour en comprendre sa force et pour l’interpréter au mieux.
- Le tango, à l’origine, se dansait-il entre hommes ?
- Le tango, ses souffrances
- Le tango, ses origines musicales
- Le tango, son empreinte sociale et politique
- Le tango et Carlos Gardèl
- Le tango de nos jours (argentin, loisir et sportif)
Le tango, à l’origine, se dansait-il entre hommes ? Le sujet fait très souvent débat et différentes réponses possibles sont apportées à cette question.
La danse entre-hommes, est une longue tradition dans l'histoire des civilisations. Deux groupes sociaux en ont été les principaux foyers : l'Armée et la Marine. Les motivations furent les plus diverses, mais toujours fondées sur le rôle que devaient tenir les hommes dans la société civile, le plus souvent hors de leur groupe principal.
A la cour de France, il est important de bien savoir danser. Les nobles apprennent cet art au même titre que l'escrime ou l'équitation. Dans les académies militaires, pour pouvoir tenir leur rang dans les soirées et festivités, les soldats reçoivent une formation en danse par des maîtres de danse brevetés. Bien évidemment les soldats apprennent et s'entrainent entre eux. Dans ce cas cette pratique s'entend bien comme une préparation, et non comme une fin en soi.
Alors que la liberté sexuelle en général et l'homosexualité étaient durement réprimés, la notion de danse d' "entrainement", dans des milieux virils de surcroît, faisait probablement partie du paysage social admis de l'Argentine à la fin du 18e et au début du 19e siècle. Cette pratique était commune à toutes les danses et sur tous les continents et mers du monde.
Le désir de briller devant les femmes, et d'être admis dans certains milieux où la place de la danse était prépondérante, étaient des motivations suffisantes pour que les hommes entre eux, se préparent, apprennent, inventent des figures, d'autant que les femmes "honnêtes", enfermées à la maison ne pouvaient les aider dans cette recherche et apprentissage. En Argentine, le manque de femmes, lié à une immigration majoritairement masculine, à exacerbé ce phénomène.
L'histoire n'étant pas un science exacte, mais simplement la recherche d'éléments rendant une thèse des plus plausibles, on peut conclure de cette rapide approche, que le Tango s'est effectivement dansé entre hommes, mais probablement uniquement à titre d'entrainement, et non pas comme pratique courante à sa naissance. Ceci est plus prosaïque que la légende qui fait parler dans les salons, mais beaucoup plus probable au vu du contexte, et des mœurs et pratiques de l'époque. Il peut exister cependant d'autres hypothèses plausibles, mais les éléments pouvant les conforter font encore actuellement défaut.
En conclusion, Ignacio Gutierrez Zalvidar, qui, dans son ouvrage « Tango », déclaré d'Intérêt Culturel par le Secrétariat à la Culture d'Argentine et par "El Concejo Deliberante de la Ciudad de Buenos Aires" déclare :
« Le Tango ne s'est jamais dansé entre hommes, mais il était courant que les hommes pratiquent entre eux, pour briller ensuite, en dansant avec les femmes ».
(source : Blog du tango.argentin st Brieuc)
Faute de femmes, les hommes désoeuvrés dansent entre eux en s’inspirant des danses traditionnelles et imitant les danses locales et cadencées des noirs, héritées du candombé africain et de la habanera cubaine, reprise de la version, imitée par les anciens esclaves, de la contredanse de leurs maîtres espagnols. Cela a donné la « milonga » canyengue (canaille), qui est devenu le premier style de tango dansé dans les maisons de prostitution des faubourgs, du port et des abattoirs de Buenos Aires, au son des vieux pianos, violon, guitare et flûte.
Les danseurs ajouteront de nouvelles figures, la coupe (corte), la cassure (quebrada) évoquant la séduction, l’acte sexuel, le machisme, mais aussi et surtout, les sentiments d’exilés, de nostalgie, de peine et d’espoirs. C’est un instrument allemand inventé en 1850 par Heinrich Band, le bandonéon, de la famille des instruments à boutons et à soufflet regroupés sous le nom de Konzertina, qui, par son phrasé mélancolique, grave et cadencé exprimera le mieux ces sentiments.
Ces danseurs de tango qui se pressent la nuit dans les cafés flanqués d’une piste de danse ou dans les bastringues, guinguettes de mauvaise réputation, vont codifier progressivement les pas simples et rapides et les rythmes marqués et enjoués de la milonga pour donner naissance au tango orillero, un nouvel art typiquement portègne du pas de deux et de l’abrazo (enlacement) enrichi de figures lascives à connotation sexuelle qui scandalisent la bonne société puritaine du centre-ville. Le peuple des défavorisés se retrouve dans cette nouvelle danse, le tango, qui unifie leur diversité et noie leur misère. Rien de différent de l’autre côté de la rive du Río de la Plata : les tanos (uruguayens d’origine italienne), les gallegos (d’origine espagnole) et les negros (descendants des noirs), fréquentent les pulperías (brasseries) où se mêlent mazurkas, polkas, habaneras au son des orquestas típicas.
Les premiers tango-milongas et tango-criollos aux couplets naïfs et obscènes évoluent au début des années 1900 vers un répertoire plus élaboré ; les tout-premiers mini orquesta típica, uruguayens ou argentins, apparaissent sur une tonalité musicale plus sombre et plus mélancolique et seront les précurseurs d’un rythme musical plus lent, celui de la Vieille Garde (Guardia Vieja), époque des tangos les plus célèbres.
Le tango est un métissage de trois danses :
- le candombé dansé par les esclaves noirs, au rythme syncopé et endiablé soutenu par trois tambores (piano, chico, et repique) appelés tangos.
- la Habanera d’origine cubaine : le nom habanera, issu de La Havane est dû au fait que les chansons étaient crées et chantées par des marins catalans partants pour Cuba. Elles expriment la nostalgie de la terre catalane et des êtres aimés et ces petits détails de la vie quotidienne qui manquent quand on est en mer
- la milonga, mélodie traditionnelle venue de la pampa argentine et issue du folklore populaire local, épousant des airs nostalgiques italiens du Mezzogiorno dont la tarentelle, et sensuels cubains et andalous, fait apparaître une nouvelle forme musicale.
« Le tango dansé présente à cette époque, un aspect provocant et insolant qu'il perdra au fur et à mesure de son ascension sociale. Bien que peu pratiqué en bal, ce style originel du tango dansé, tango canyengue, est encore toujours en vogue, et honoré par le Carnaval de Montevideo.
Son empreinte sociale et politique
Ces lieux étaient les seuls endroits pour les hommes « rioplatenses », de chaleur, de rencontre, de communication et d’humanité, telle une vie de quartier, parce qu’ils n’avaient rien d’autre. « Etre un homme de tango » signifiait simplement être un homme de Buenos Aires, se sentir portègne jusqu’à y implanter ses propres racines.
Mais doit-on se persuader pour autant que le tango dansé n’a d’origine que la misère, les maisons closes et les trafiquants ? Si tel était le cas, sa popularité se serait effacée quelques années plus tard dès la première guerre mondiale avec la disparition de ces lieux de délire nocturne.
Sans contexte, l’Argentine est socialement et politiquement imprégnée de cette culture du tango. La plupart des paroles des tangos du début du XIX° siècle pointaient du doigt avec verve, les mauvais tours que le siècle était en train de jouer aux rêves des immigrants, travers d’une époque où la poésie se faisait le porte-drapeau de leurs désillusions.
La liberté de danser le tango reviendra avec la libéralisation de l’expression politique et sociale après la chute des « généraux ».
Le tango et Carlos Gardèl
(source : Carlos Gardèl : la voix du tango)
Carlos Gardel est né le 11 décembre 1890 à Toulouse, dans le sud de la France. Il s'appelle à l'époque Charles Romuald Gardès. Il arrive à Buenos Aires en Argentine l'âge de 2 ans avec sa mère.
En 1912, il enregistre 15 chansons, sur lesquelles il s'accompagne lui-même à la guitare. La première de ces chansons s'intitule "Sos mi tirador plateado" .
En 1917 qu'il est reconnu comme véritable chanteur de Tango en interprétant la chanson « Mi noche triste », étant donné que jusqu'à lors, le tango était surtout musical et sans paroles.
Dans les années 20, Carlos Gardel va amener le tango en Europe, en se rendant célèbre en France et en Espagne.
Le public de Buenos Aires l'a adoré. L'Europe le considère comme le roi du tango. Il triomphe à Paris puis à New York.
A son retour en Argentine en 1926 il se consacre presque exclusivement à la chanson.
Dans les années 30 il est reconnu dans de nombreux pays, en Argentine, sa patrie d'adoption, en Uruguay et dans plusieurs pays européens.
Le lundi 24 juin 1935, l'avion dans lequel il voyage s'écrase près de Medellin en Colombie, et Carlos Gardel meurt au sommet de sa gloire. Il est enterré dans le Cimetière de la Chacarita à Bunos Aires. Sa tombe est visitée par des admirateurs venant des quatre coins du monde.
La qualité de sa voix et sa mort prématurée vont être les éléments déterminants qui feront de lui un mythe populaire. Tous ceux qui parlent du tango ou entendent parler de cette musique vont l'associer immédiatement à son nom. Carlos Gardel incarne désormais et de façon indiscutable le tango.
Sa voix a su charmer tous les publics, bien au-delà des barrières linguistiques. Son charme et sa prestance ont fasciné les femmes. Son attitude fraternelle a attiré les hommes du monde entier qui ont pris du plaisir à écouter sa voix unique et éternelle gravée sur les sillons des disques de vinyle.
Carlos Gardel restera à jamais dans le coeur des argentins le plus grand mythe de Buenos Aires.
Les années 1990 voient renaître le tango de ses cendres grâce notamment à des tournées mondiales telles que « Tango Argentino » créée à Paris en 1984, jouée à Brodway en 1985 et en 1986 à Buenos Aires; depuis, il a explosé dans les jeunes générations et s’est démocratisé autant en Argentine qu’en Europe. Le groupe Gotan Project a aussi mondialement contribué à rénover le tango dans la jeune génération en introduisant la sonorité électro dans ses compositions.
C’est ainsi que la culture du tango, une des formes des plus authentiques de musique populaire et une des danses les plus créatives du siècle dernier, a survécu jusqu’à être accaparée aujourd’hui par toutes les nationalités et être inscrite le 30 septembre 2009, au patrimoine culturel immatériel de l’Unesco.
Le tango de nos jours
Ce tango qui vit de beaux jours dans les bals musette, thés dansants et soirées dansantes est à différencier du tango argentin ou du tango de danse sportive.
Le tango loisir se distingue principalement par la tenue des danseurs dont les bustes se sont redressés par rapport à la posture des corps en tango argentin.
Il reste la danse de salon la plus fougueuse et la plus enflammée, même si ses mouvements sont devenus élégants et raffinés devant être parfaitement marqués pour traduire les pulsions qui les engendrent. C’est une danse tendue, où s’affrontent les volontés : celle du « guideur » viril voir dominateur, et celle du guidé qui tour à tour s’abandonne et se refuse. Chaque tango raconte l’histoire d’une passion, souvent impossible ou tragique.
Le tango loisir est une danse de salon assez éloignée des origines argentines du tango. Elle résulte des influences européennes et américaines sur le style et l'exécution de la danse.
Le tango en compétition
Le tango de danse sportive est une danse standard dite progressive comme la valse.
La tenue est totalement différente de celle du tango argentin ou loisir, au niveau du corps très tenu, des bras très cadrés et des jambes qui propulsent. Il est réglé et codifié pour permettre la compétition.
Avec la renaissance du tango argentin rioplatense, certains danseurs de compétition ont tendance à intégrer plus de figures dans leurs chorégraphies.